Petite histoire autour d'un poème cette fois-ci, écrite pour notre chère Catouchka, l'an dernier...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de:
Steven S. DeKnight Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Cette songfic est basée sur les épisodes 308 et 309 : Les paroles en vert sont extraites des épisodes.
En souvenir de toi
- Et Agron ? A-t-il subi le même sort que Crixus ? Ou est-il encore de ce monde ?Il lut la réponse dans les yeux de Naevia et les siens s’emplirent de larmes. Mais il ne pleurerait pas, plus jamais. Il était en vie, comme l’avait voulu son amant dont les mots résonnaient dans sa mémoire meurtrie :
- Je te demande seulement de vivre. Et de profiter des dernières joies qui se présenteront, pour le temps qu’il te reste.La joie, il savait déjà qu’il n’en connaîtrait plus, pas plus que l’amour. Désormais son cœur brûlait de haine pour ceux qui lui avaient arraché l’homme qu’il aimait et sa vie entière serait vouée à leur faire payer cette mort.
En souvenir de toi j’abattrai les montagnes
En souvenir de toi partirai en campagne
Et chaque vie volée par le fer de ma lance
Sera un peu de baume à mon cœur en souffrance.
Il se détourna sans un mot et quitta la tente où Spartacus et Gannicus écoutaient le récit douloureux de Naevia. Il avait lu dans le regard de celle-ci la même culpabilité que dans le sien : celui du survivant.
Il n’aurait pas dû être là ! Il aurait dû être avec Agron, reposant à ses côtés sur le champ de bataille. Pourquoi avait-il écouté son compagnon et l’avait-il laissé le souler de ses belles paroles ?
Il se revoyait, lui apportant le verre de vin, au soir de leur dernier combat, tandis que Crixus accueillaient ceux qui le suivraient sur les routes de Rome. Il entendait encore chacun des mots qu’ils avaient prononcés ce soir-là.
En souvenir de toi je défierai les dieux,
Et mon cri de victoire fera trembler les cieux.
Je serai ce que tu désirais que je sois
Je serai un guerrier, en souvenir de toi.
- Qu’est-ce qu’il y a, tu ne bois pas ?- Je veux avoir les idées claires, au lever du soleil, quand Crixus partira pour Rome.- J’ai souvent désapprouvé le Gaulois, mais sa putain de présence nous manquera.- Je ne souffrirai pas de ce manque.- Tu le détestes à ce point ?- Il ne me manquera pas du tout.Agron ne le regardait pas : il gardait les yeux fixés droit devant lui. Et puis soudain, il se retourna vers lui, planta son regard dans le sien :
- Parce que je serai auprès de lui.- Tu… te détournes de Spartacus pour partir avec Crixus ?-Spartacus est comme mon frère. Ceci étant dit, nous ne sommes pas du même avis. Il n’y a pas de vie pour moi au-delà des Alpes. Je ne suis ni berger ni laboureur. Le sang et la bataille sont mes seules compétences.Nasir sourit : où qu’aille son amant, il le suivrait.
- Alors c’est entendu : demain nous partons pour Rome avec Crixus.Agron baissa la tête et rit doucement puis il regarda son compagnon en disant d’une voix douce.
- T’entendre prononcer ces mots me fait grand plaisir. Mais je souhaite que tu suives Spartacus.Nasir le fixa, ayant eu l’impression de recevoir un coup, puis il balbutia :
- Ma place est pour toujours près de toi.- Pas cette fois.
En souvenir de toi je briserai mes chaînes,
Tous ces regrets stériles qui encor’ me retiennent.
Je noierai dans le sang mes larmes et mon chagrin
En souvenir de toi, mon bras sera d’airain.
Les yeux d’Agron étaient embués et ceux de Nasir s’emplirent d’eau tandis qu’il disait, la colère commençant à vibrer dans sa voix :
- Un jour tu m’as juré que les dieux eux-mêmes ne pourraient pas m’arracher à tes bras. Et cette nuit voilà que tu me rejettes ?- Mon cœur ne battra jamais pour un autre. Cependant il s’arrêterait si je devais te traîner droit à ta perte.- Je suis un combattant !C’était comme un cri de protestation dans sa bouche : il n’était plus l’esclave favori, celui qui était heureux de son état et se soumettait aux désirs de son maître sans se poser de questions sur ce que pouvait être la vie hors du carcan des chaînes, qui avait tenté de tuer celui qui venait le délivrer tant il était habitué à simplement obéir. Il n’était plus le « petit homme » faible dont on se moquait. Lui aussi avait du sang sur les mains, lui aussi portait les traces de ses combats ! Il était un guerrier, au même titre que son amant.
- Un guerrier qui me remplit d’une immense fierté. Mets tes talents au service de Spartacus. Conduis les plus faibles vers la vraie liberté.- Ne me demande pas de me séparer de toi.Cette fois-ci il pleurait. Il ne parvenait pas à croire à ce qu’il entendait. Il ne pouvait pas imaginer que son amant parte ainsi loin de lui. C’est alors que celui-ci lui avait dit ces mots, ces mots qui faisaient que, même le cœur vide, il respirait encore :
- Je te demande seulement de vivre. Et de profiter des dernières joies qui se présenteront, pour le temps qu’il te reste.Un dernier baiser, une dernière étreinte… Et au matin ce long regard, de loin, comme si déjà ils ne s’appartenaient plus.
En souvenir de toi j’irai jusqu’aux nuages
Et sur nos ennemis déchainerai l’orage
Ma main sera ta main, mon bras sera ton bras,
En souvenir de toi, j’embrasserai tes pas.
Vide… Il était vide… Vide d’amour, vide d’espoir, vide de rire, vide de vie… Mais ce vide bientôt serait remplacé par la haine : la haine froide qui dévore tout et ne laisse place à aucune pitié. Agron était tombé et c’était à lui désormais de porter son souvenir, à lui de rappeler à chacun le grand guerrier, le général sans peur, l’homme au grand cœur… l’homme de son cœur…
Il avait écouté les mots de Spartacus, en prélude à ces jeux où, pour une fois, ce ne seraient pas les esclaves qui seraient sacrifiés pour le plaisir des Romains, mais les Romains qui offriraient le réconfort de leur mort pour la vengeance de leurs anciens esclaves.
Et il avait bien l’intention de porter haut les couleurs d’Agron : celui-ci lui avait tout appris, des armes et de l’amour, le véritable amour, pas juste les étreintes charnelles comme lui avait imposé son maître et qu’il avait cru alors être la preuve de son importance.
Agron lui avait ouvert les yeux : il était un homme, un homme libre ! Libre d’aimer, libre de choisir, libre de combattre, libre de tuer ! Et ce soir il faisait ce choix.
En souvenir de toi ce soir au clair de lune
Je verserai le sang pour noyer ma rancune
J’offrirai en ton nom la vie en sacrifice
En souvenir de toi ils iront au supplice.
- Je voudrais que vous soyez mille pour que votre mort puisse être à la hauteur du souvenir d’Agron !Ils ne seraient pas mille, pas encore toutefois. Ce soir quelques uns payaient et le sable boirait le sang de celui qui se dressait devant lui. Nulle peur de l’habitait, lui, l’esclave domestique, le petit chien dont on voulait rogner les crocs. Agron avait fait de lui un guerrier aguerri, il ne craignait aucun de ces légionnaires dont Rome s’enorgueillissait. Et celui-ci allait payer le prix du sang, le prix du chagrin, le prix de la solitude.
Et lorsque dans un hurlement de bête il le transperça de sa lance, son cœur lui parut un peu moins lourd durant un trop court moment.
- Tu as fait honneur à Agron.Les mots de Naevia le touchèrent sans le réconforter. Oui, il avait fait honneur à l’homme aimait et il savait que celui-ci aurait été fier de lui : il lui sembla entendre, du fin fond du ciel, le rire vainqueur de son amant, ce rire qui éclatait lorsqu’il était heureux et ce soir, il l’aurait rendu heureux.
Mais lui… lui il ne le serait plus jamais.
En souvenir de toi je verserai le sang
Et j’irai moissonner la mort aux quatre vents
Je porterai ton nom plus haut que le pinacle
Tu seras mon chemin, tu seras mon oracle.
Il regardait le flot s’écouler : il entendait les cris de joie, les pleurs de reconnaissance. Ils semblaient tous sur le point de s’effondrer, les plus forts soutenant les plus faibles, presque tous portant des blessures. Il aurait dû se réjouir : en ce jour cinq cents des leurs retrouvaient la liberté, échappaient à une mort inéluctable et ignominieuse.
Une larme roula sur sa joue :
- Si seulement tous nos êtres chers étaient parmi eux !
Si seulement il était encore là ! Si seulement il n’avait pas quitté ses bras ! Si seulement il l’avait suivi, malgré sa prière, malgré sa volonté !
Si seulement…
En souvenir de toi je chérirai la mort
Lorsqu’elle m’emportera pour la nouvelle aurore
Et toi tu seras là, debout sur l’autre rive
Mon tendre souvenir, ne bouge pas… j’arrive…
- Nasir.Il sursauta à la voix de Castus : il ne l’avait pas entendu venir dans son dos. Et puis soudain son regard vacilla tandis qu’il fixait un point au milieu de la foule. Ce n’était pas possible, il rêvait éveillé ! Ou bien il dormait et on lui envoyait un songe bien cruel !
Ses pas déjà le portaient vers l’avant, lui faisant fendre le flot. Il marchait, ne croyant pas ses yeux emplis de larmes, son cœur qui battait la chamade au point qu’il avait l’impression qu’il allait bondir hors de sa poitrine.
Il marchait vers les deux hommes que lui avaient désignés Castus. Lorsqu’il fut en face d’eux ils s’arrêtèrent et il tendit la main, s’attendant à voir s’évaporer la vision : mais non, il était bien là, certes blessé, brisé, mais vivant !
Il posa la main sur le visage aimé qui portait les marques de sa lutte : les cernes profonds qui soulignaient le regard, l’œil gauche déformé par l’enflure. Son cœur se serra à cette vision : où était le combattant ardent qu’il avait vu partir ? Quel était cet homme brisé que Spartacus lui ramenait ?
- Le sort te ramène dans mes bras.Alors le fantôme de son amour leva la tête et le regarda et il sut que tout cela n’était pas un rêve cruel lorsqu’il entendit la voix aimée lui répondre :
- J’ai été fou de les laisser derrière moi.Comme lui avait été fou de le laisser partir ! Mais plus jamais il ne laisserait cette folie s’abattre sur eux.
Et doucement, il se remit à marcher, soutenant l’homme qu’il aimait, le guidant amoureusement vers la tente de Médicus. Il n’avait pas besoin de parler : toutes les réponses à ses questions étaient écrites sur le corps martyrisé de son amant. Il lui suffisait de respirer son odeur, de sentir son corps contre le sien, de pouvoir le regarder, de toucher sa peau en sueur.
Agron était là, vivant, et désormais personne, pas même lui-même, ne réussirait à le faire quitter son ombre. Agron était son cœur, son âme, sa raison. Agron était sa vie. Rien au monde ne pourrait plus les séparer.
FIN