Un passé mis à jour - G

Romain et Jérôme avaient reçu une réponse  plus tard dans la soirée. Dès le lendemain, ils s'étaient mis en route pour aller chez Vanessa. Romain était pressé, il savait que les jours de son grand-père étaient comptés et il avait hâte de pouvoir lui raconter un peu ce qu'était devenu son amour de jeunesse
Vanessa avait été quelque peu surprise de l'empressement des deux hommes. Ils s'étaient montrés très vagues sur le mobile qui les poussait à retrouver son grand-père.
Les deux fiancés étaient installés dans le salon de la jeune femme qui leur apporta un verre de jus de fruits.

-J'espère qu'on ne vous dérange pas ?
-A vrai dire, je pensais que vous m'enverriez les courriers dont vous m'avez parlés, par la poste. Je n'imaginais pas vous voir sonner à ma porte.
-On préférait venir, parce qu'en fait, on voudrait que vous nous racontiez qu'elle a été la vie de votre grand-père. Ça ravirait le mien de le savoir avant de mourir.
-Ils étaient si amis que ça ? Je ne me souviens pas que mon grand-père m'ait un jour parler d'un Charles.
-Je peux vous assurer qu'ils étaient très proches...................Excusez-moi de vous poser cette question mais, il y a longtemps qu'il est décédé ?
-Mais mon grand-père n'est pas mort.
-Quoi ? Mais vous ne nous aviez pas dit qu'il était vivant. Je pourrais lui parler ?
-Oh ça ne servirait pas à grand chose. Il est vieux, il perd la tête, il a la maladie d'Alzheimmer, il ne pourrait pas se souvenir de votre grand-père, il ne se souvient déjà pas toujours de moi.
-Je suis désolé. Mais c'est un passé plus ancien, parfois, il est plus net dans leur tête.
-Mon mari est parti le chercher dans sa maison de repos, il passe le week-end chez nous. Vous pourrez toujours lui poser la question mais s'il vous dit qu'il ne se souvient pas, n'insistez pas s'il vous plait.
-Je vous le promets.

Une vingtaine de minutes plus tard, Vanessa allait accueillir Albert qui arrivait avec son mari.

-Alors papy, comment tu te sens ?
-Mais qui êtes-vous ?
-Papy, c'est moi Vanessa, la fille de Charlotte.
-Charlotte ?
-Ta fille papy

Le vieil homme fronçait les sourcils en regardant Vanessa. Il cherchait à la reconnaître et puis soudain son visage s'éclaira comme si le déclic s'était fait.

-Oh oui Vanessa

Celle-ci lui sourit et lui fit la bise. Elle n'était pas certaine qu'il l'avait vraiment reconnue mais au moins il la laissait l'approcher ce qui n'était pas toujours le cas. Parfois il la reconnaissait instantanément mais d'autres fois, il se mettait dans une colère noire d'être dans un environnement qu'il ne connaissait pas. Tout comme Charles, il vivait ses dernières années, il était malade et fatigué.

-Papy, il y a quelqu'un qui est là pour toi. Viens.
-Qui ?

Vanessa prit Albert par le bras et l'emmena au salon où Romain et Jérôme les attendaient.

-Papy, je te présente.............
-Charles

Vanessa regarda Romain puis Albert qui observait le jeune homme la bouche ouverte en tendant les mains vers lui. Romain avait été aussi surpris que la jeune femme lorsqu'il l'avait entendu l'appeler Charles. On lui avait effectivement souvent dit qu'il lui ressemblait mais ne s'attendait toutefois pas à cette réaction.

-Je ne m'appelle pas Charles monsieur, je suis son petit-fils, Romain.

Cette fois, Albert n'était plus qu'à quelques centimètres de Romain et sa main tremblait tout en osant à peine effleurer sa joue.

-Papy, ça va ?
-Charles
-Non papy, c'est Romain
-Romain ?
-Charles est mon grand-père
-Non...........non.......Charles est mort
-Quoi ? Non, il n'est pas mort
-Viens t'asseoir Papy.

Vanessa attira le vieil homme vers le divan.

-Tu te souviens de Charles ?
-Oui.......Bien sûr...........Mais il est mort.........mort à la guerre............La guerre me l'a pris et ne me l'a pas rendu.

Romain comprit soudain ce qui avait pu se passer. Quand son grand-père avait été fait prisonnier, Albert n'avait plus eu de nouvelles et il avait cru à sa mort.

-Monsieur, je sais que vous échangiez des lettres avec mon grand-père. Mais il a été fait prisonnier et il n'a plus pu vous répondre.
-Prisonnier ?
-Oui
-Oh mon Dieu.

Albert avait le regard dans le vague comme s'il revoyait défiler devant lui des images oubliées depuis longtemps.

-Pourquoi il n'est jamais revenu s'il était vivant ? Il m'avait promis de revenir.
-Il est revenu mais.................Vous étiez avec Madeleine et............
-Il m'a vu avec elle ? Oh mon dieu, non...........Je ne savais pas, je pensais que..............J'ai tellement souffert de ne plus avoir de nouvelles. Madeleine était là, et la guerre lui avait arraché son frère. Elle ne connaissait pas l'origine de ma peine mais nous avions la même, nous nous sommes soutenus, nous nous sommes réconfortés et.............la vie a fait le reste. Mais je le croyais mort, il a dû penser que je l'avais trahi. Il a dû me haïr.

Vanessa écoutait son grand-père. Elle ne comprenait pas tout mais c'était la première fois depuis longtemps qu'elle entendait son grand-père parler autant et de manière si peu décousue.

-Il ne vous a pas haï. Au contraire, il vous aimait et c'est aussi pour ça qu'il ne s'est pas manifesté. Il voulait que vous ayez une vie normale comme on dit et que vous soyez heureux.
-Et lui ? Il a été heureux ?
-Oui, quelques années plus tard, il a rencontré ma grand-mère et il a fondé sa famille tout comme vous.

Cette fois, Vanessa eut bien l'impression d'avoir compris ce qu'il y avait pu y avoir entre Charles et Albert. Bien que choquée par cette révélation, elle ne réagit pas. Elle observait son grand-père, perdu dans ses pensées et ses souvenirs.

Quel intense et très émouvant chapitre. La lueur qui s'anime dans le regard presque éteint d'Albert quand il croit revoir son amour perdu. Des souvenirs et une conscience sur le déclin et qui reviennent à ce moment-là. J'ai tellement de peine pour ces deux hommes qui ont été privés d'une vie à deux.

Si la vie ne les a pas unis, la mort le fera peut-être. Romain est certainement bouleversé par tout ça, mais il a eu raison de faire cette recherche.

Ce chapitre m'a tiré une larme. Ce chapitre est trop court. Je l'ai adoré    J'espère qu'Albert saura la vérité avant qu'il ne soit trop tard. Peut-être pourra-t-il revoir une dernière fois celui qui a été son plus grand amour.

Beaucoup d'émotion dans ce chapitre : la maladie détruit peu à peu le cerveau du grand-père de Vanessa, lui faisant confondre passé et présent. Mais maintenant il se sent coupable d'avoir "abandonné" son grand amour.... Ce qu'il faut se dire c'est que s'ils étaient restés ensemble, ils n'auraient sans doute pas eu une vie aussi belle que celle qu'ils ont eu parce qu'à cette époque ils n'auraient pu s'afficher ensemble sans prendre de risques et ils n'auraient pas eu les enfants et petits enfants qui vont les réunir aujourd'hui.

que de malentendus!!!
lui le croyait mort alors qu'il était fait prisonnier!
et quand enfin il revient il voit son amant avec une femme!

ils auraient pu vivre une belle histoire oui mais en même temps ni romain ni vanessa ne serait là!

je suis désolée de t'avoir réclamé la suite et de ne pas t'avoir laisser de com' dès que tu as posté.


Un chapitre émouvant mais j'espère qu'il n'est pas trop tard pour qu'ils se retrouvent une dernière fois. Deux amants, l'un en fin de vie, l'autre avec sa maladie.

J'aime beaucoup jusque là. c'est émouvant , surtout ce chapitre. Les deux hommes vont_ils pouvoir se revoir avant que Charles ne meurent ?  Vivement la suite.

-Papy, tu te sens bien ?
-Oui
-Tu es fatigué ?
-Non

Albert ne la regardait pas, il répondait tel un automate mais était toujours plongé dans ses souvenirs, dans cette vie imaginaire avec Charles qui aurait pu être réelle, s'il n'était pas tombé dans les bras de Madeleine, un soir de plus grande détresse qu'un autre. Bien sûr, il avait été heureux, il avait été ravi quand elle lui avait annoncé être enceinte, il avait assumé ses responsabilités et était devenu un père comblé quand il avait tenu sa fille dans ses bras pour la première fois. La complicité et la tendresse qui l'unissaient à Madeleine s'étaient muées petit à petit en véritable amour et il n'avait pas une seule seconde imaginé sa vie sans elle..............jusqu'à aujourd'hui. Se dire qu'il aurait pu partager cette vie avec son grand amour disparu, lui vrillait le coeur.

-A quel âge est-il mort ?
-Euh..........il............Il est en vie mais il est très malade, il ne quittera plus son lit d'hôpital.
-Il est vivant ...............Je veux le voir.

Albert s'était levé avec une rapidité que sa petite-fille ne lui avait plus vue depuis bien des années.

-Tu iras le voir mais pas maintenant papy. Demain si tu veux.
-Non pas demain. Je ne resterai plus un jour de plus sans le voir............Emmenez-moi le voir.
-Mais papy, tu ne l'as plus vu depuis soixante ans, ça ne vient plus à un jour.
-Un jour à mon âge, c'est important parce qu'on est jamais sûr de voir le prochain.........S'il vous plait jeune homme, emmenez-moi à lui.
-Très bien.............Vous êtes d'accord Vanessa ?
-Je........Oui mais je viens avec vous aussi.
-Très bien.

Tout le monde se leva et prit donc la route vers l'hôpital où Charles se trouvait. Romain commençait à se demander s'il avait bien fait. Comment réagirait-il en le voyant ?
Quand ils arrivèrent, Romain laissa Jérôme en arrière avec Albert et sa famille et courut vers la chambre de Charles. Il devait le préparer, lui annoncer.

-Pépère !
-Romain, tu pourrais rentrer plus calmement.
-Excuse-moi maman. Tu pourrais sortir ?
-Mais qu'est-ce qui te prend ? Pourquoi je sortirais ?
-Parce qu'il faut que je parle à pépère.........Comment il va aujourd'hui ?
-Un peu mieux
-De quoi dois-tu me parler ?

Romain souffla déjà de soulagement. Contrairement à hier, il parlait, il pourrait donc échanger des mots avec Albert.

-Il y a quelqu'un qui arrive pour te voir.
-Qui ?
-Quelqu'un que tu n'as plus vu depuis longtemps..............Albert

C'est comme si une décharge avait traversé le corps de Charles lui redonnant un semblant de vigueur. Ses yeux s'ouvrirent comme des soucoupes.

-Mais qu'est-ce que tu racontes ?
-Je l'ai retrouvé. Il se souvient tout comme toi. Il te croyait mort à la guerre c'est pour ça que..............enfin qu'il y a eu Madeleine.
-Oh mon Dieu.
-Qui c'est cet Albert ?
-Disons que c'est un vieil ami de pépère, je t'expliquerai dans le couloir. On va les laisser tous les deux.

La porte venait en effet de s'ouvrir et le vieil homme s'avançait d'un pas hésitant vers le lit de Charles. Leurs regards s'étaient instantanément croisés et ne s'étaient plus lâchés. Cela faisait longtemps que des sillons s'étaient creusés partout sur leur peau et avaient peu à peu fait disparaître leur visage d'antan mais si leurs yeux ne pouvaient plus s'identifier, leurs coeurs s'étaient directement reconnus. Ils ne voyaient plus les gens autour d'eux, ils étaient dans leur bulle, s'observant, se disant des tas de choses en silence que les mots n'auraient pu correctement exprimer.
Romain poussa tout le monde dehors afin de laisser les deux hommes en tête à tête.

-Albert, tu n'as pas changé
-Oh toi non plus, tu es toujours aussi menteur dans tes flatteries..................Je t'ai cru mort
-Je sais
-Si j'avais su, je..........
-Oh ne regrette pas quelque chose que tu ne peux pas changer. J'ai eu une belle vie, toi non ?
-Si bien plus belle que beaucoup de gens
-Alors nous n'avons rien à regretter...............Tu as vu Romain ?
-Oui, c'est ton portrait craché
-Oh il est bien plus beau que moi............Et Jérôme tu l'as vu ?
-C'est l'homme qui était là aussi ?
-Oui............Ils sont fiancés. Ils vont se marier. Tu te rends compte à quel point je peux être heureux. Ce que la vie nous a interdit, elle va le donner à mon petit-fils...........C'est merveilleux tu ne trouves pas ?
-Oui

Le silence retomba mais leur conversation via leur regard continua et lorsque Vanessa, son mari, Romain et Jérôme revinrent dans la chambre, Albert refusa de s'en aller. Le vieil homme utilisa ses dernières forces pour exiger qu'on l'autorise à rester la nuit auprès de Charles.
Vanessa finit par céder et s'apprêta à aller demander s'il y avait moyen de mettre un second lit dans la chambre mais Albert refusa, le fauteuil lui conviendrait parfaitement. Un lit serait trop éloigné de son bien aimé. Il ne voulait plus lui lâcher la main.
Quand ils se regardaient, ils ne voyaient pas des vieillards mais les jeunes hommes plein de vigueur qu'ils étaient soixante ans plus tôt. Le contact de la peau de leurs mains leur rappelait le contact de tout leurs corps lorsqu'ils s'aimaient passionnément à l'abri des regards.
Le destin leur avait joué bien des tours, il les avait fait tomber amoureux pour les séparer six mois plus tard mais voilà qu'après soixante ans, il les réunissait de nouveau. A présent, plus rien ne les séparerait, même le destin. Il n'en aurait plus le temps.
Le matin, l'infirmière découvrit les deux hommes toujours main dans la main. Aucun d'eux ne respirait plus mais leur visage semblait apaisé. Ils étaient partis sans souffrir et un sourire dessinés sur les lèvres.
Quand le téléphone de Romain sonna, il n'eut pas besoin de décrocher, il savait. Il l'avait senti. Il s'était réveillé en pleine nuit sans raison et il avait eu l'impression d'un courant d'air dans sa chambre.
Après avoir annoncé la mort de son grand-père à Jérôme, il se blottit dans ses bras et laissa couler ses larmes en silence.

-Je lui avais promis de ne pas pleurer. J'essaie mais j'y arrive pas. J'espère qu'il ne m'en voudra pas.
-Bien sûr que non
-Il est parti heureux. Ils sont partis tous les deux heureux.
-Oui et c'est à toi qu'ils le doivent. Et maintenant, ils seront réunis à tout jamais
-Pourquoi ils n'ont pas eu quelques jours supplémentaires ? C'est pas juste. Ils avaient l'air bien quand on les a quittés.
-Ils étaient bien, mais leurs vies à tous les deux étaient en sursis. Peut-être qu'au fond, ils tenaient le coup, juste pour que tu aies le temps de les réunir à nouveau et qu'ils puissent partir ensemble. Je suis sûr que ni l'un ni l'autre, n'aurait voulu une autre mort.
-Il va me manquer.
-Je sais mon coeur, mais n'oublie pas qu'on ne meurt qu'à partir du moment où on est oublié. Lui ne le sera jamais tant qu'on sera là.

***Fin du flash-back***

Retour à l'été 2014

Romain et Jérôme étaient dans leur salon avec leur fils à deux pas d'eux. Jérôme accrochait un cadre en suivant les indications de son mari.

-Plus à gauche, relève, non descends ! C'est bon, ne bouge plus.

Jérôme termina de suspendre le cadre et rejoignit Romain pour voir ce que cela donnait.

-C'est pas mal hein ?
-C'est plus que pas mal c'est parfait.

Dans les cadres des photos jaunies de Charles et Albert surplombaient des photos flamboyantes de Romain, Jérôme et Raphaël. Deux époques, deux destinées différentes pour un amour profond et sincère que rien et surtout pas le temps n'aurait pu altérer.

Mon voeu s'est exaucé, ils se revus une dernière fois Ils sont partis en paix main dans la main, une belle fin pour ces amoureux que la vie avait séparé.

Très belle fin, il ne pouvait pas en être autrement. Merci pour cette belle fic. 

ils se sont revus après tout ce temps et oui ils sont partis heureux!
très jolie histoire yseult!

Certes dans l'absolu c'est triste, mais en vérité  quoi de plus beau que cette mort enfin réunis pour ne plus  jamais être séparés! La vie  leur a fait cadeau de quelques heures pour s'apercevoir que  leur amour avait survécu et cela leur suffisait pour être en paix.
Merci pour cette belle histoire!

  Jolie fin

  Quelle merveilleuse fin ! Je n'y ai pas vu de la tristesse. La passé est ce qu'il est, ils n'auraient pas pu le changer ni changer l'époque dans laquelle ils n'ont pas pu s'aimer librement. Mais à l'heure de leur départ, c'est ensemble qu'ils sont partis, les yeux emplis de l'amour qui ne s'est jamais éteint dans leur coeur. J'aime les imaginer se tenant main dans la main pour le grand voyage. Enfin libres.

Romain a offert le plus beau des cadeaux à son grand-père. Cet homme qu'il chérit tant et plus encore à présent qu'il a ouvert toutes les portes de son passé.

C'était un plaisir à la lecture cette histoire, Yseult. Un régal. Merci.

Histoire très touchante