Je reclasse petit à petit! Ici une songfic destinée à Rose Red.
Déclaration : Je ne connais pas les personnes et je ne sais rien de leur vie. Je me contente de les mettre en scène dans une fiction, sans en tirer aucun bénéfice.
Banale song
Banale song
Banale song
Banale song
Les mots lui étaient venus simplement, comme souvent, sans qu’il y pense, sans qu’il les cherche. Ils étaient venus le hanter et il ne pouvait rien faire pour les chasser, rien d’autre que de les mettre sur le papier.
Pourtant les mettre sur le papier c’était les faire exister, c’était leur donner un corps, un cœur, une âme…
C’était ouvrir la boîte de Pandore et oser affronter ce qu’il refusait de voir depuis tant d’années.
Mais dans l’ivresse du moment, soudain il n’y songeait plus.
Quel plaisir de dire ce simplistique poème
Je t'aime, je t'aime, je t'aime
Que les lumières s'éteignent
Je t'aime, je t'aime
Et que ça nous entraîne
Que ça nous emmène
Depuis combien de temps se connaissaient-ils ? Il lui semblait que c’était depuis la nuit des temps ! Il lui semblait que Boris avait toujours été là, à ses côtés, à son écoute : l’ami sur lequel il pouvait compter en toute occasion, y compris pour lui botter les fesses quand il le méritait, et Dieu savait qu’il l’avait bien souvent mérité !
Et qu’avait-il récolté en échange de sa présence attentive, fidèle ?
La litanie de ses peines de cœur, ce cœur qu’on disait qu’il n’avait pas, ce cœur qu’il ne voulait pas écouter parce qu’il se refusait à regarder une vérité qui le dérangeait, lui qui se targuait d’être un esprit libéré !
Quel joli discours, ces mots sans rien autour
Je t'aime, je t'aime, je t'aime
Quelle émotion belle
Quelle douceur extrême
Oh oui ! Il n’avait vraiment pas à être fier de la manière dont il s’était comporté avec son partenaire de groupe, avec son ami, avec l’homme qu’il…
Non ! Il ne pouvait pas le dire, pas encore, pas maintenant, pas comme ça !
Les mots qui se bousculaient sous sa plume le diraient mieux que tout ! A supposer qu’il ne fut pas trop tard déjà.
Banale song
Je sais mais j'en ai rien à faire
Banale song
Pardon aux play-boys littéraires
Banale my song, pour eux
Mais pour moi, super song
Parce que si à cet instant il était là, mettant en mots et en notes ce qu’il avait si souvent refusé de reconnaître, c’était parce que Boris voulait partir.
Boris voulait partir et soudain le monde s’écroulait ! Le groupe n’y survivrait peut-être pas mais il s’apercevait qu’il s’en foutait éperdument ! Pourtant il y tenait à ce putain de groupe qu’il avait créé ! Il s’était battu pour arriver là où il était et il était fier de sa réussite ! Il le disait assez fort d’ailleurs.
Et le succès avait fini par le griser, lui faire perdre de vue l’essentiel, lui faire oublier ce qui lui était vraiment indispensable. Il était devenu tout ce qu’il s’était juré de ne jamais être : la vedette pleine de sa propre importance oubliant que la vie n’est pas faite que de projecteurs et de paillettes.
Le retour sur Terre avait été brutal.
Banale song
Banale song
On peut pas trouver mieux
Que cette banale song
À se dire, les yeux dans les yeux
C'est une banale song
Mais c'est une super song
Il ne pensait pas, alors qu’il envisageait cette tournée que son monde était sur le point de basculer.
Lorsqu’ils s’étaient retrouvés, après deux semaines de relâche, il leur avait fait part de son projet, s’attendant, comme à son habitude, à ce qu’ils s’enthousiasment et lui renouvellent leur confiance.
Et Boris avait eu ces mots simples et nets pour dire qu’il en avait assez et que tout cela ne l’intéressait plus. De ce qu’il avait pu lui dire ensuite dans le feu de la colère il ne lui restait que peu de souvenirs mais il se souvenait de cette peur qui lui avait mordu les entrailles et du vide soudain qu’il avait ressenti en lui lorsque son ami s’était simplement détourné pour sortir de la pièce, sans un mot, sans un regard.
Quel plaisir de dire ce simplistique poème
Je t'aime, je t'aime, je t'aime
Quel joli discours, ces mots sans rien autour
Banale song
Banale song
C'est une banale song
Mais c'est une super song
C’est seulement à ce moment-là qu’il s’était souvenu de leur conversation quelques semaines auparavant, lorsqu’il s’était enquis de ce qui rendait son ami si triste. Celui-ci avait tenté de noyer le poisson avant de lâcher le morceau, de lui parler de cet amour impossible qui le consumait depuis trop longtemps, de cet être qu’il chérissait et qui ne se doutait même pas de l’amour qu’il lui portait.
Il avait compris à la manière dont les yeux de Boris s’attachaient aux siens et il avait fait l’autruche pour ne pas se trouver confronter à cette vérité qu’il avait déjà pressentie mais qu’il refusait sans bien comprendre lui-même pourquoi.
Alors il avait tenté de convaincre son vis-à-vis qu’il se trompait, que ce n’était pas vraiment de l’amour, juste un sentiment d’amitié très intense, ou l’envie de bousculer les tabous, de poser d’autres codes ce qui, dans leur métier, finissait par devenir presque la norme finalement, avait-il osé dans une méprisable tentative de plaisanterie.
Mais Boris n’avait pas souri : il l’avait juste regardé dans les yeux, comme s’il tentait de lire au plus profond de lui, puis il s’était levé et il était parti, simplement, sans rien ajouter. Mais le lendemain il était là à la répétition, comme si de rien n’était et, en bon égoïste, Nicola s’était senti soulagé, comme si les choses étaient désormais claires et classées.
Mais on ne musèle pas l’amour.
On peut pas trouver mieux
Que cette banale song
À se dire, les yeux dans les yeux
C'est une banale song
Mais c'est une super song
Et soudain, alors que la porte se refermait sur Boris, il avait compris qu’il devait enfin accepter ce qui le poussait vers lui, ce qui les poussait l’un vers l’autre et qu’il s’était trop longtemps refusé de voir.
Boris était son âme sœur, celle qu’il avait vainement cherchée de bras en bras durant toutes ces années.
Mais comment trouver les mots pour le lui dire ? Comment retenir l’attention de celui qu’il avait dû tant faire souffrir au fil du temps ?
C’est alors que les mots étaient venus se bousculer dans sa tête.
Quel joli discours, ces mots sans rien autour
Banale song
Banale song
C'est une banale song
Banale song
Banale song
C'est une banale song
Et maintenant il les chantait, s’accompagnant à la guitare, la voix voilée par l’émotion, les doigts tremblants de peur.
Et si Boris n’écoutait pas ? Et s’il refusait d’entendre ? Et s’il avait tout gâché ?
Il avait été difficile de le convaincre de lui ouvrir pour parler. Encore plus de réussir à le faire accepter d’écouter sa nouvelle « compo », celle dont il avait dit : « Si tu ne l’aimes pas, si tu ne veux pas la chanter avec moi, alors je te laisserai partir, tu as ma parole. »
Il jouait son va-tout, il jouait sa vie !
Banale song
Banale song
Oh oui, ça n'est une banale song
Banale song
Banale song
C'est une banale song
Banale song
Boris s’était approché de lui et soudain il l’enlaça, se pressant contre son corps.
Il posa sa guitare et il se retourna pour le prendre dans ses bras. Leurs lèvres se cherchèrent et se trouvèrent pour se raconter tout ce qu’il restait encore à dire.
Et soudain, dans ces bras là, Nicola sut qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait depuis trop longtemps. Plus tard ils parleraient, ils décideraient de ce qu’ils voulaient faire et de comment le faire. Mais à ce moment précis, ils s’étaient dit tout ce qu’ils avaient à se dire et l’urgence c’était simplement d’être l’un contre l’autre, de sentir leurs cœurs battre à l’unisson et de reprendre les mêmes paroles, sur le même rythme, d’une même voix…
Une journée banale, mais une super journée pour accepter un amour qui ne serait jamais banal, pensa-t-il l’espace d’un instant avant que ses sens ne l’emmène sur des rives où la pensée n’avait pas sa place.
FIN
Chanson d’Alain Souchon