Une songfic écrite pour Isamkay... A l'origine j'avais dans la tête un délire... sur ce coup-là c'est un peu loupé...
Préambule :
Les personnages de la série ne m’appartiennent
pas. Ils sont la propriété exclusive de : Brad Wright & Robert
Cooper. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette
fiction.
Personnages : MacKay / Sheppard
Genre : P.O.V. / Songfic
Résumé : Un saut dans le futur, pas très reluisant, des deux ex-héros.
John
Il était là, sans savoir comment il était arrivé dans ce caniveau, une fois de plus, une fois de trop…
Et cette main qui le secouait, ce visage qui s’abaissait au niveau du sien, cette voix qui le consolait, il lui semblait qu’il l’avait entendu mille et mille fois déjà…
Non John t'es pas tout seul
Mais arrête de pleurer
Comme ça devant tout le monde
Parce qu'une demi-vieille
Parce qu'une fausse blonde
T'a relaissé tomber
Qu’est-ce qu’il faisait-là en fait ? Quel était ce gâchis monumental qu’il avait fait de sa vie, lui qui était promis aux honneurs les plus prestigieux, à qui on prédisait une carrière triomphante ? Comment en était-il arrivé à ce qu’il était aujourd’hui, cette épave, là, sur ce trottoir, qui se donnait en spectacle ?
Et comment cet homme pouvait-il être encore à ses côtés ? Etre toujours là pour le soutenir, pour le relever, pour le faire sourire quand, comme à chaque fois, ses histoires qu’il aurait voulu d’amour, se révèlent n’être que de sordides histoires de sexe et de fric…
De fric… Un sanglot amer lui échappa : il y avait bien longtemps désormais qu’il vivotait de petit boulot en petit boulot, arrivant à peine à payer une chambre miteuse dans un quartier qui ne l’était pas moins.
Bordel !!! Est-ce qu’une vie comme ça valait vraiment le coup ?
Non John t'es pas tout seul
Mais tu sais que tu me fais honte
A sangloter comme ça
Bêtement devant tout le monde
Parce qu'une trois quarts putain
T'a claqué dans les mains
Mais il y avait cette voix : cet homme, cet ami qui ne l’avait jamais laissé tomber, même au plus bas de sa déchéance il avait toujours été là, il avait lui aussi payé un lourd tribu à sa bêtise, à son inconscience.
Il faut si peu de temps pour inverser le destin et bousculer la chance, une fraction de seconde, un doigt qui presse le mauvais bouton, et tant de vies détruites qui hurlaient dans sa mémoire…
Si peu de temps pour tout détruire et tant de temps pour s’en souvenir.
Bien sûr on l’avait excusé : les circonstances, la nécessité, ses états de service… Mais lui ne pouvait pas se pardonner, il ne pourrait jamais…
Alors ça avait été la longue descente aux Enfers avec son lot de soutiens, puis d’admonestations et de condamnations. Un à un ils lui avaient tous tourné le dos, tous, sauf lui…
Non John t'es pas tout seul
Mais tu fais honte à voir
Les gens se paient notre tête
Foutons le camp de ce trottoir
Allez viens John viens viens
Lui…
Qui aurait cru que le seul ami qui lui resterait serait le docteur Rodney MacKay ? Sur Atlantis John l’avait toujours vu comme un être à part, trop égocentrique pour vraiment se soucier des autres, trop intelligent pour pouvoir s’abaisser à la vulgaire condition humaine.
Et pourtant c’était le seul qui l’avait soutenu, envers et contre tous, malgré ses fautes, malgré ses coups de gueule, malgré son injustice.
Toujours il était là pour le réconforter, le ramasser, le nettoyer, l’obliger à vivre…
Ca lui avait coûté cher aussi : sommé de choisir entre l’amitié et sa carrière, il avait choisi l’amitié et s’était fermé bien des portes. Peu lui importait : il vivait dans son monde, donnant des cours à droite à gauche et travaillant à l’invention du siècle, celle qui les sortirait tous les deux des bas-fonds de la ville pour les transporter sur les hauteurs, là où le soleil brille et où l’air est plus pur, où, la nuit, on peut apercevoir ces étoiles qui leur manquaient tant.
Viens il me reste trois sous
On va aller se les boire
Chez la mère Françoise
Viens il me reste trois sous
Et si c'est pas assez
Ben il me restera l'ardoise
Puis on ira manger
Des moules et puis des frites
Des frites et puis des moules
Et du vin de Moselle
Cher Rodney ! Toujours des plans pour tout ! Toujours là, jamais découragé…
Qu’est-ce qui le retenait auprès de lui ? Pourquoi ne partait-il pas à son tour ? Pourquoi ne voulait-il pas retourner briller parmi ses pairs, atteindre les sommets auxquels il avait toujours rêvé ?
Pourquoi avait-il accepté de l’héberger, de le nourrir, de l’entretenir durant tout ce temps, jusqu’à ce qu’il ne le puisse plus faute de rentrée d’argent ? Encore une victime de l’ex-fringant ex-colonel Sheppard !
Et pourtant il était encore là, tentant de le distraire de ses pensées moroses, de l’arracher à son ivresse et de l’encourager à regarder du bon côté de la vie…
Et si t'es encore triste
On ira voir les filles
Chez la madame Andrée
Parait qu'y en a de nouvelles
On rechantera comme avant
On sera bien tous les deux
Comme quand on était jeunes
Comme quand c'était le temps
Que j'avais de l'argent
Il regardait ses mains qu’il ne reconnaissait pas : ces mains autrefois fines et fortes, devenues ces grosses choses molles et maladroites qui tremblaient le plus souvent et peinaient même à attraper les verres d’alcool salvateur.
Il y avait bien longtemps qu’il ne se regardait plus dans le miroir parce que ça faisait trop mal de se dire que le monstre qu’il y voyait, aux chairs bouffies, aux traits alourdis, aux yeux injectés de sang, c’était ce militaire fier et ardent dont une photo jaunie finissait de se déchirer au mur de la chambre miteuse qu’il réglait avec quelques dollars gagnés de-ci de-là et les histoires que le jeune réceptionniste écoutait, bouche bée, incapable de discerner s’il s’agissait de réalité ou des délires d’un vieil alcoolique, mais tellement captivé par ces récits, lui qui rêvait de chevaucher un jour les étoiles, qu’il payait de sa poche le reste du loyer.
Entretenu par un gosse !!! Encore une action d’éclat à mettre au tableau de déshonneur de l’ex- colonel John Sheppard !
Non John t'es pas tout seul
Mais arrête tes grimaces
Soulève tes cent kilos
Fais bouger ta carcasse
Je sais que t'as le cœur gros
Mais il faut le soulever
Il y avait toujours cette voix dans sa tête, cette voix qui lui disait qu’il n’avait plus rien à faire sur cette terre, qu’il n’était qu’un poids mort pour tous…
Tous…
Et ce rire hystérique et désenchanté qui faisait mal à entendre retentit de nouveau !
Tous !!!
Tous ça se résumait à ce gosse sans attache dans le regard duquel il retrouvait parfois le héros d’autrefois et à cet homme, là, à ses côtés, tentant vainement de le relever pour l’arracher à l’humidité du caniveau dont l’odeur pestilentielle ne faisait même plus frémir ses narines autrefois plus délicates.
Non John t'es pas tout seul
Mais arrête de sangloter
Arrête de te répandre
Arrête de répéter
Que t'es bon à te foutre à l'eau
Que t'es bon à te pendre
Il se foutait des gens qui le regardaient, les uns riant, les autres persiflant, certains s’indignant qu’on puisse ainsi perdre toute dignité.
Mais que savait-il de son Enfer ? Qu’auraient-ils fait, eux, pour faire taire ces milliers de voix qui hurlaient dans sa tête, pesaient sur sa conscience, l’empêchaient à jamais d’avoir droit au bonheur, le condamnait à vivre comme un paria parce que chaque être vivant qu’il approchait désormais lui semblait devoir être condamné par ses actes passés.
Il n’avait plus droit au bonheur… Il n’avait plus droit à l’amour… Et pourtant il essayait, jour après jour, nuit après nuit…
Tout ça pour se retrouver là, chaque fois…
Non John t'es pas tout seul
Mais c'est plus un trottoir
ça devient un cinéma
Où les gens viennent te voir
Allez viens John viens viens
De nouveau Rodney s’était accroupi pour être à son niveau et il lisait dans ses yeux non pas la pitié, non pas la colère, non pas le dégoût, qu’il se serait attendu à y voir, mais juste le souci de prendre soin de lui, de l’arracher à ce trottoir, de lui changer les idées, de tenter, une fois de plus, de lui faire reprendre le cours de sa vie.
Combien lui en avait-il payé des cures de désintoxications, des séances de psychanalyse ? Combien avait-il testé de remèdes censés le dégouter de l’alcool, de machines qui auraient dû chasser ses cauchemars, effacer de sa mémoire la tâche qui engluait tout, comme le pétrole se répand sur la mer en engloutissant la vie et la beauté ?
Rien, rien ne pouvait marcher parce qu’il n’y avait rien à faire.
Et pourtant il essayait, sans jamais se décourager.
Viens il me reste ma guitare
Je l'allumerai pour toi
Et on sera espagnols
Comme quand on était mômes
Même que j'aimais pas ça
T'imiteras le rossignol
Puis on se trouvera un banc
On parlera de l'Amérique
D’où c'est qu'on va aller
Quand on aura du fric
Les plans à la con de MacKay !!! Bon Dieu, combien en avaient-ils fréquentés des maisons borgnes, des cabarets miteux, des fêtes foraines tristes, des cirques décolorés depuis toutes ces années ?
Et pourtant ça marchait : l’espace de quelques heures il parvenait à oublier…
Il oubliait en poussant des éclats de rire tonitruants qui sonnaient faux, en dansant de son pas chancelant tout en bousculant ceux qui l’approchaient de trop près, en se lançant dans de longues tirades sans queue ni tête…
Parfois, il lui arrivait encore de rêver finalement. Et c’était toujours quand son ami était là…
Son ami…
MacKay était son ami ! Son seul ami !
Et si t'es encore triste
Ou rien que si t'en as l'air
Je te raconterai comment
Tu deviendras Rockfeller
On sera bien tous les deux
On rechantera comme avant
Comme quand on était beaux
Comme quand c'était le temps
D'avant qu'on soit poivrots
Une grimace déforma son visage fripé : il n’aimait pas que Rodney s’englobe dans ce terme. Certes il levait le coude, et plutôt bien, mais lui il était capable de se tenir, il ne se donnait pas en spectacle sur un coin de trottoir, il restait le Docteur Rodney MacKay, celui qu’on admirait et qu’on détestait tout à la fois.
C’était pour lui, juste pour lui qu’il avait abandonné son poste, les honneurs, tout ce qui lui tenait à cœur.
Et ce soir-là, soudain dégrisé, John comprenait pourquoi, s’avouait enfin l’autre versant de cette amitié, celui qu’il avait toujours refusé de voir, obstinément, aveuglément… Encore une pierre noire dans son jardin qui en était déjà bien fourni pourtant.
Il savait depuis longtemps ce que son ami ressentait réellement pour lui, et pourtant il se refusait à le regarder en face. Il passait de bras en bras, de femme en femme, et toujours c’était Rodney qui le ramassait, sans rien exiger, sans rien lui reprocher…
Il savait…
Ce soir, sans doute, c’était le moment de laisser tomber le masque. S’il voulait sortir de ce putain de caniveau, s’enfuir loin de cette putain de chambre, se débarrasser de cette putain de vie qui n’en était pas une, il devait, cette fois, avoir le courage de regarder la vérité en face.
Et cette vérité elle était là :
- Rodney… Je t’aime…
Le scientifique ferma les yeux un instant. Son cœur avait fait un bond dans sa poitrine… Ces mots il les espérait depuis si longtemps. S’il était resté auprès de John, avait consenti tous ces sacrifices, c’était parce qu’il tenait à lui plus qu’à tout autre chose au monde. Et justement à cause de cet amour, il ne pouvait rien lui dire, de peur de le voir partir loin de lui.
Alors pourquoi ce soir ? Pourquoi à cet instant ? Pouvait-il croire ces paroles d’ivrogne ? Etait-ce un aveu ou un délire ?
Il se contenta de hocher la tête et de tendre la main à l’homme qu’il ne quitterait jamais, quoi qu’il fasse.
Allez viens John viens viens
Oui oui John oui viens
FIN
John est évidement, au prénom près, la chanson Jef de Jacques Brel